The You Show vole le show !
Article d’Iris Gagnon-Paradis, Dfdanse, 10 juin 2011
Ce qu’il y a de bien avec Crystal Pite, c’est que la chorégraphe de Vancouver déçoit rarement avec sa danse à la fois accessible, ingénieuse, dramatique et humoristique. Et les quatre courtes pièces présentées dans The You Show ne font pas exception.
Avec The You Show , Crystal Pite propose quatre courtes pièces dominées par des duos. Des pièces avec chacune leur tonalité, certaines plus rigolotes (A Picture of You Flying), d’autres plus noires (The Glass House), mais toutes liées par une cohérence thématique, un peu comme dans un recueil de nouvelles.
Ici, la thématique, comme le nom le dit, s’intéresse à l’individu, au moi. Au moi en relation avec lui-même (The Other You, très intéressante avec son jeu de miroir et les manipulations à distance d’un interprète par l’autre) ou en relation amoureuse, que ce soit un chagrin d’amour (A Picture of You Falling), une relation malsaine (The Glass House, qui nous a semblé la moins réussie des quatre, peut-être à cause de son ton beaucoup plus dramatique que les autres). Dans tous les cas, ce moi est divisé, comme l’illustre merveilleusement bien le clou de la soirée, A Picture of You Flying. Rafraîchissante et humoristique, cette pièce fait un parallèle avec le monde des héros. et explore cette dualité entre l’image qu’on veut projeter de soi-même et le moi intérieur, secret, caché – un peu comme un héros qui ne peut révéler sa vraie identité…
La danse proposée par Pite dans The You Show est une danse accessible, facile à apprécier, ce que d’aucuns lui reprocheront. Cette accessibilité réside en partie dans le fait que sa danse est très narrative, peut-être plus que jamais ici. La présence de textes dans A Picture of You Falling et A Picture of You Flying, les pièces d’introduction et de conclusion, appuie cette intention.
Accessible, facile, oui peut-être. Mais pas du tout dénuée d’intérêt pour autant, au contraire ! Car Pite fait aussi un travail d’exploration du mouvement intéressant, très dynamique, qui exploite la dépendance envers l’autre (corps) dans plusieurs mouvements et figures. Elle manie aussi agilement l’arrêt sur l’image, les ralentis, tout en offrant une danse très physique et visuelle qui utilise à souhait le sol, les tours, les déplacements glissants dans l’espace, qui ne sont pas sans rappeler une certaine énergie hip hop. Mais, somme toute, son langage chorégraphique demeure assez simple et, oui, encore une fois, accessible… mais diablement divertissant ! Est-ce là un défaut ? Le public de l’Usine C, lui, en redemandait hier soir lors de la première.
Il faut aussi souligner l’utilisation ingénieuse et inventive de la lumière (un travail de Robert Sondergaard), donnant un aspect très cinématographique aux quatre pièces. Les projecteurs montés sur roulettes et entourant la scène en demi-cercle dans les deux premières pièces servent à diriger le regard des spectateurs sur un ou l’autre des protagonistes dans A Picture of You Falling, particulièrement réussie (avec la participation de la toujours happante Anne Desjardins). Les flashs et les noirs viennent installer le rythme, un peu comme lorsqu’on passe d’une scène à l’autre au cinéma. En dernière partie, les carrés de lumières qui s’allument à mesure que les danseurs avancent d’un endroit à l’autre, viennent ajouter un côté très graphique, bédéesque même, qui appuie l’univers du « super héros ».
Définitivement un excellent spectacle pour initier un récalcitrant à la danse. Ne boudez pas votre plaisir !
La Rotonde accueillera The You Show les 8-9-10 mars 2012
Source : Dfdanse, Iris Gagnon-Paradis