« Sur les ailes de José Navas » par Claude Chevalot, spectatrice
La plume du spectateur c’est une occasion donnée aux spectateurs de danse d’écrire sur les spectacles de notre saison. Voici le texte sensible et juste de Claude Chevalot à propos de Rites de José Navas.
Depuis le soir du 30 novembre, je suis complètement habitée par le spectacle Rites de José Navas. On me parle et je n’entends pas, je frotte pendant cinq minutes le même plat en faisant la vaisselle. Bref, il n’y a pas de service au numéro que vous avez composé. Je voulais écrire pour dire toute mon émotion, mon bouleversement, mais les mots me semblent inadéquats et ça me frustre.
Je me lance tout de même.
À la Bordée, le rituel s’amorce d’entrée de jeu. Le public rempli la salle. La rumeur des conversations est comme le ronronnement d’un moteur. Il y a un bien-être certain à s’installer dans une salle et se préparer à recevoir un spectacle. Comme se retrouver dans une fête avec des amis, même si on ne connaît pas la personne dans le banc tout à côté.
Lui, il est déjà là, sur la scène, dans la pénombre. Les gens s’agitent, discutent puis avant même que les lumières ne se tamisent, un silence presque complet envahi l’air comme une présence. Son recueillement nous a déjà atteint.
Après coup je me suis dit que dans ce silence annonciateur, nous ne pouvions prévoir ce qui nous attendait. Nous n‘aurions jamais pu jamais imaginer nous faire engloutir par l’intensité de José Navas. Jamais pu même rêver de faire pareille incursion au cœur d’une œuvre touffue et vibrante.
Sans jeux de coulisse, sans artifices, Navas nous offre le meilleur de lui, de ses 30 ans de carrière. J’aime qu’il reste devant nous pour changer ses vêtements, pour s’arrêter un bref moment, respirer, éponger sa sueur. Le dépouillement de ses quatre solos est poignant. Navas échaude geste par geste, une tension qui culmine dans son magistral Sacre du Printemps.
Pendant 70 minutes je suis restée suspendue à chacun de ses gestes. Fascinée et bouleversée par la quasi perfection de ce danseur. Il a pris mon cœur au creux de sa main, l’a fait glissé, bondir, tourbillonner. Il l’a entrainé dans l’insolence, la joie, l’angoisse, la douleur mais surtout dans l’exultation sans conteste du corps.
Navas, danseur immense, chorégraphe inspiré.
Je voudrais retourner tous les soirs visiter ce monde, voler des pépites de beauté sur les ailes de José Navas.