Les Chroniques du regard – S’envoler
Cette saison de La Rotonde s’amorce avec le spectacle S’envoler de la chorégraphe Estelle Clareton, une danse pour 11 interprètes, basée sur l’idée de la migration et sur certains mouvements observés chez les oiseaux. La chorégraphie présente un groupe serré, aux mouvements désordonnés, dont s’échappent parfois certains individus. Ils partiront pour de courts solos, duos ou trios avant de réintégrer le groupe ou d’être rejoints par lui.
Dans cette chorégraphie sans histoire, mais dans laquelle on peut suivre l’évolution d’un groupe en migration, tout le monde bouge beaucoup, parfois de manière acrobatique et, quoique souvent l’impression laissée est celle d’un groupe en déplacements craintifs, les relations entre les individus s’établissent avec légèreté et plaisir. Chacun arrive à faire ressortir sa propre personnalité et pour ma part (je vous dévoile ici ma porte d’entrée personnelle) je surveillerai particulièrement deux de ces drôles d’oiseaux : Sylvain Lafortune, un ex-collègue universitaire, et Brice Noeser, un ancien étudiant, diplômé de L’École de danse de Québec en 2006.
Sylvain Lafortune est le plus expérimenté des interprètes de S’envoler. Sur scène depuis plus de trente ans, il a été membre de compagnies prestigieuses dont Les Grands Ballets canadiens, Lar Lubovitch Dance Company, O’Vertigo et Montréal danse et a participé à de nombreuses tournées internationales. Danseur polyvalent, il est aussi un enseignant recherché. À 49 ans, ce danseur athlétique carbure toujours à la dépense physique et au plaisir de dépenser de l’énergie et, comme il le dit : il « accote encore très bien les jeunes interprètes ». Dans ce projet, il a su intégrer une expertise extraordinaire en portés (qui l’a amené jusqu’aux études doctorales). Ses études et sa vie familiale l’ont désormais fait bifurquer vers le statut d’interprète pigiste. Ce qui lui permet de choisir avec plus de parcimonie les projets dans lesquels il s’investit et c’est avec plaisir qu’il a plongé dès le départ dans l’aventure proposée par Estelle Clareton. Au cours des trois résidences de création, il a pu, avec la chorégraphe et les interprètes, partager les imaginaires, les expériences, les perceptions et idées qui ont mené à la cohérence du projet. Sylvain a surtout prisé le processus de travail détendu, mené par une chorégraphe dont il apprécie l’imaginaire, l’humanité et l’humour.
Dans le spectacle, je surveillerai aussi Brice Noeser, un ancien étudiant que j’ai le plaisir de voir évoluer professionnellement depuis sa diplomation de L’EDQ en 2006. Brice commence à avoir une feuille de route impressionnante, en tant qu’interprète et aussi comme chorégraphe. Remarquable autant par sa capacité de gestuelle très désarticulée que par sa grande taille et sa physionomie unique, il a été invité à se joindre à l’aventure de S’envoler lors de la troisième résidence de création, quand est venu le temps de déconstruire et de « salir la gestuelle », la rendre moins carrée et linéaire, mais encore plus originale et personnalisée par chacun. À partir de sa propre expérience, Brice a très bien compris les thèmes d’exils et de migration artistiques, géographiques et identitaires à la base du projet. Il a aussi pu très bien s’intégrer dans ce groupe d’individus disparates, tant au niveau de l’âge, des expériences et des personnalités.
Pour terminer, je confirme ce qui a été dit ailleurs : S’envoler est « un spectacle de danse idéal, autant pour celui qui connaît la danse contemporaine que pour celui qui découvre » (Corinne Laberge, janvier 2011). Venir assister en salle au spectacle S’envoler vous permettra de suivre avec une attention particulière deux interprètes que vous connaissez déjà un peu mieux, sans oublier tous les autres, dont Alexandre Parenteau, qui évolue régulièrement, ici à Québec, dans les projets de la compagnie « Le fils d’Adrien danse ».
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