Heart as Arena : Ondes rebelles
Article de François Dufort, paru sur DF Danse, le 27 mai 2012
Dans un monde où règne l’hyper connectivité, il est paradoxalement devenu bien difficile de se syntoniser émotionnellement sur un individu spécifique.
Lors de l’édition 2008 du FTA Dana Gingras nous avait livré Smash Up. Une série de solos et de duos interprétés en symbiose avec des animations délirantes soutenus par une trame sonore à l’image du mouvement : musclée ! Il faut dire que côté physicalité, Gingras s’y connaît, d’abord avec la compagnie Holy Body Tattoo cofondée avec Noam Gagnon à Vancouver en 1993. Puis avec sa propre compagnie Animals of Distinction fondée en 2006. Elle nous revient dans l’édition du FTA de cette année avec Heart As Arena. Est-on en droit de s’attendre à une œuvre musclée à nouveau ? « N’oui ».
L’idée initiale
Heart As Arena, un quintette, a pour point de départ l’idée d’associer analogiquement le corps et la radio, d’imaginer ce corps émettant et recevant des informations dans le but de se connecter et d’échanger avec les autres. Essayant aussi, de syntoniser un individu en particulier en dépit du bruit de fond et des interférences. Des interférences à l’ère de l’hyper connectivité il y en a beaucoup. Avec tant de signaux disponibles, la tache se complexifie d’autant plus, qu’il faut de surcroît décoder ce qu’on reçoit. Une idée de départ qu’a utilisée Gingras pour se pencher sur les affaires de cœur à l’ère actuelle.
La recherche pour la création de la pièce s’est amorcée en 2009 et le travail avec les interprètes s’est étalé de durant plus de deux ans. Un travail de création épisodique. Façon de faire qu’affectionne la chorégraphe : c’est ma façon préférée de travailler, j’aime mettre mes pièces de côté, les oublier, y revenir plus tard, plutôt que de faire tout d’un coup en quelques semaines. Le recul change mon point de vue sur le travail, ça me permet de clarifier mon propos.
Heart As Arena est aussi une oeuvre collaborative, les interprètes et autres collaborateurs ont contribué à sa création et à son sujet.
On s’attend toujours avec Dana Gingras à des créations dans lesquelles les interprètes y vont à fond la caisse, sans s’économiser. Est-ce le cas avec cette toute dernière ? : Oui, c’est très physique, j’ai vraiment essayé de l’être moins, mais, petit à petit (rires) c’est devenu très cru, j’imagine que c’est ma signature. Mais, quand même, je dois avouer que mon travail s’est complexifié ces dernières années, il y a des contrastes entre les sections au niveau de l’énergie dépensée. Il y a aussi des sections plus atmosphériques avec plus de textures et même, de l’humour, j’imagine que c’est ce qui arrive quand on vieillit… C’est plus émotionnel aussi, du moins, c’est le commentaire que j’ai reçu des gens qui ont vu ma pièce.
La scénographie
Maintenant, une fois l’idée trouvée et développée il reste à la mettre en scène, autant de travail que la partie création puisque là aussi ça prend des idées pour mettre les premières en espace. Dana Gingras a imaginé une arène pour ses idées et ses danseurs. Une arène circulaire délimitée par trente postes de radio d’une autre époque, c’est l’espace dans laquelle évoluent les danseurs qui manipulent aussi d’autres postes de radio qui reçoivent et émettent des signaux. Danseurs qui tentent de syntoniser les uns et les autres avec plus ou moins de chance en raison de tout ce « noise »… Du bruit et des fréquences imaginées par l’artiste audio et radio Anna Friz (artiste géniale pour qui connaît son travail).
Pour conclure Gingras constate : on vie à une époque où, avec les cellulaires et autres tablettes, on devient littéralement immergé dans une mer de signaux qui rendent presque impossibles les contacts plus personnels.
Les interprètes de Heart As Arena: Sarah Doucet, Amber Funk Barton, Dana Gingras, Masaharu Imazu et Shay Kuebler.
Source : DF Danse, François Dufort
La Rotonde présentera Heart as Arena du 25 au 27 avril 2013.