Chroniques du Regard 2019-2020 | 01 – Singeries
Singeries de Priscilla Guy et Catherine Lavoie-Marcus
Les artistes pluridisciplinaires Priscilla Guy et Catherine Lavoie-Marcus amorcent la nouvelle saison de La Rotonde avec leur création Singeries, un spectacle d’environ une heure présenté quatre soirs dans l’espace intime du Studio Desjardins de la Maison pour la danse. Agissant conjointement en tant qu’idéatrices du projet, les deux danseuses-performeuses se sont rapidement associées au musicien Michel F. Côté et au vidéaste Antoine Quirion Couture. Les quatre créateurs se retrouvent, sur scène ou en régie, pour créer et interpréter un événement “humain et spectaculaire” à la tonalité légèrement différente à chaque représentation.
Singeries, c’est pour vous si vous aimez les spectacles multimédias et performatifs.
Singeries, c’est pour vous si vous appréciez voir sur scène des interprètes sensibles en relation avec un environnement mouvant et interactif.
Singeries, c’est pour vous si vous aimez les spectacles qui font réagir et stimulent la discussion.
Le spectacle
Deux femmes sur scène. Vêtues de blanc, elles s’activent dans un environnement jonché de multiples objets, blancs aussi. La scène est ouverte et sans coulisses. L’oeil du spectateur est libre. Il peut, dès le départ, fabriquer sa propre histoire. Celle-ci sera nourrie par des projections vidéos sur de multiples écrans et supports.
Empruntant librement à l’esthétique des films muets ou de la nouvelle vague française ainsi qu’à une certaine esthétique du slapstick, des films sont projetés en alternance avec les actions réelles des performeuses. Une foule d’informations provenant des traitements du son, de l’image et des mouvements s’accumulent en un produit très dense, rempli de fausses pistes et de décalages poétiques de la réalité.
Les femmes sur scène sont-elles des personnes ou des personnages? Leurs réalités sont présentées avec de multiples contradictions. Les tensions présentes entre les différentes versions d’elles-mêmes et les niveaux de lecture possibles forcent une multitude de façons individuelles de suivre leurs périples et de comprendre comment se relient les composantes du spectacle.
C’est au spectateur à gérer cette saturation dans la masse d’informations. Informations fragmentées, tant aux niveaux sonores, visuels et dansés. Selon les créatrices: “ La technologie joue ici le rôle d’un dispositif d’inquiétude qui démultiplie nos corps dans le temps et l’espace. Par ses pouvoirs naïvement illusionnistes, une fresque vidéo nous expose à travers d’étranges singeries. Elle est un panoptique qui nous surveille et promet l’infinie reproduction de nos comportements.”
S’il accepte le jeu, le spectateur n’a qu’à se laisser porter par le “flow” en attendant que tout revienne au simple, au propre, au blanc apaisant, à la présence dans l’inaction. Cette (sur)saturation du spectateur est voulue. Elle témoigne de la volonté des créatrices à vouloir montrer en simultané leurs aventures vécues devant nous et les correspondances passées ou même futures de celles-ci (car les deux performeuses semblent sans cesse en retard ou en avance sur elles-mêmes). On retrouve aussi en filigrane dans le spectacle les traces d’inspirations venues d’autres femmes artistes et créatrices : Marguerite Duras, Chantal Akerman, Martha Rosler, Amy Greenfield, Maya Deren, Lygia Clark.
Lors des représentations, dans une triangulation de réponses immédiates aux impulsions visuelles, sonores et dansées, les quatre partenaires piliers à la création (Lavoie-Marcus, Guy, Côté et Quirion-Couture) modulent leurs actions en temps réel. Ensemble, tout au long du processus de recherche et création, ils ont organisé l’ordre et le désordre : les correspondances écrites, les sampling sonores et visuels, les citations et les chansons trouvées et retrouvées. Chaque soir, devant le public, ils ajustent de manière sensible leurs interactions et les réponses aux impulsions de leurs partenaires et complices.
Les chorégraphes-interprètes
Informations tirées du dossier de presse
Priscilla Guy est une artiste multidisciplinaire basée à Montréal, formée en arts visuels et en danse contemporaine. Directrice artistique de Mandoline Hybride, compagnie qu’elle fonde en 2007, elle cumule un répertoire éclectique allant de la vidéodanse à l’infiltration d’espaces publics ; de l’installation multimédia à des chorégraphies pour la scène. Son travail chorégraphique est présenté au Canada et en Europe, ainsi que dans de nombreux festivals de films internationaux. Elle collabore au développement de la vidéodanse et elle signe plusieurs publications internationales, notamment pour The Oxford Handbook of Screendance Studies, The International Journal of Screendance, La creacoin hibrida en videodanza, The Dance Current et Regards Hybrides, dont elle est cofondatrice. Elle poursuit actuellement des études doctorales en cinéma à l’Université de Lille 3 en France.
Catherine Lavoie-Marcus est chorégraphe, performeuse et chercheure en arts vivants. Elle diffuse ses créations sur les scènes montréalaises, dont Acéphales (2012) et Schizes sur le sundae (2013) à Tangente, Laboratoire de mouvements contemporains. Elle publie des réflexions sur la danse contemporaine pour des ouvrages collectifs aux Presses du réel, Dance collection Danse et pour les magazines Spirale et JEU. Elle est nouvellement chroniqueuse à la revue esse arts + opinions, en collaboration avec Michel F. Côté et poursuit des recherches doctorales à l’UQAM.
Fondée en 2007 par Priscilla Guy, la compagnie Mandoline Hybride explore le corps en mouvement à travers différents médias : vidéodanses, chorégraphies in situ, installations vidéo, performances scéniques multidisciplinaires. La quotidienneté, le travail du geste et le montage chorégraphique sont au cœur de la démarche de création de la compagnie. La directrice générale et artistique Priscilla Guy collabore avec des artistes de divers horizons sur des productions indépendantes qui préconisent l’intermédialité. Mandoline Hybride a présenté son travail dans plus de 15 villes au Québec et au Canada, ainsi qu’aux États-Unis, en France, en Espagne et aux Pays-Bas.
Les collaborateurs
À la direction artistique, aux chorégraphies, performances, textes et vidéos : Catherine Lavoie-Marcus et Priscilla Guy
À la conception sonore et aide à la dramaturgie: Michel F. Côté
Aux projections, mapping et effets vidéo: Antoine Quirion Couture
Aux lumières: Paul Chambers
À la scénographie: Julie Vallée-Léger
Aux costumes: Marie-Christine Quenneville
À la direction technique: Samuel Thériault
Au regard extérieur: Marie-Claire Forté
Les critiques
« D’une grande intelligence, la pièce est truffée de trouvailles. Il faudrait la voir plusieurs fois pour les débusquer toutes. » Nayla Naoufal, Le Devoir
« Une pièce qui épate et qui dérange. […] Sautant de l’art vivant au multimédia, de la scène à l’écran, elles jouent sans cesse avec nos perceptions de l’espace-temps. » Audray Julien, DFDanse
« Cette équipe a su composer une proposition agréable rappelant une esthétique de film muet, tout en exécutant un travail du son et de l’image fort intéressant. […] Elles répètent leur suite de mouvements plus rapidement, avec plus de conviction et des effets de bruitage viennent accentuer leurs gestes, créent l’effet de percevoir les textures. La séquence est une belle trouvaille et l’effet est très convainquant. […] Le spectacle propose de passer un beau moment dans l’intimité de ces deux amies et permet surtout de goûter aux ambiances, compositions et effets sonores de Michel F. Côté. » Laurane Van Branteghem, Artichaut magazine
Les liens externes
On retrouve des informations supplémentaires à propos de Mandoline Hybride sur leur site web et leur page Vimeo.
Ici, un long entretien (39:29) à propos du spectacle à l’émission Danscussion, Radio CHOQ . Ici (02:30), le résultat d’une visite en studio lors de la création en 2016.
La bande-annonce du film Singeries est ici et les vidéos de promotion sont ici et ici.
Finalement, des extraits du spectacle Singeriessont ici (02:43)
En prime, ici des extraits (16:22) du spectacle déambulatoire Les Installations Mouvantes présenté à Paris en 2014.
Photos : Svetla Atanasova