Chroniques du Regard 2018-2019 | 06 – Gratter la pénombre
Gratter la pénombre d’Alan Lake
Le studio A de la Maison pour la danse se transforme à nouveau en lieu de diffusion. Cette petite salle accueillera, pour sept représentations, un spectacle intime créé par Alan Lake pour quatre interprètes réguliers de sa compagnie. D’une durée approximative de soixante minutes, Gratter la pénombre se veut une réponse à son œuvre précédente Le cri des méduses, spectacle multimédia à grand déploiement présenté entre autres au Grand Théâtre de Québec et à La Place des Arts de Montréal en 2018.
Gratter la pénombre, c’est pour vous si vous voulez voir une œuvre intense et passionnée présentée dans un cadre intimiste.
Gratter la pénombre, c’est pour vous si vous avez aimé Le cri des méduses présenté au Grand Théâtre l’an dernier.
Gratter la pénombre, c’est pour vous si vous voulez assister à la nouvelle création d’un chorégraphe de Québec, sacré personnalité artistique de l’année 2018 par Le Soleil.
Le spectacle
Au début d’une nouvelle aventure créatrice, Alan Lake s’était donné le défi de créer deux œuvres scéniques en deux ans. L’une répondant à l’autre, mais dans deux formats différents. Tout d’abord une grande forme multimédia avec distribution imposante (Le cri des méduses, 9 interprètes sur grand plateau) a été créée et présentée en 2018. Cette première étape a été suivie par la création d’un spectacle de plus petite envergure : Gratter la pénombre.
Tout au long de l’année 2018, Gratter la pénombre a été créé en toute confidentialité, à travers une série de rencontres de recherche-création faites en solo avec chacun des interprètes (Fabien Piché, David Rancourt, Esther Rousseau-Morin et Arielle Warnke St-Pierre).
Résultats de cette phase à la fin de l’automne : quatre soli distincts d’une quinzaine de minutes, chacun ayant sa couleur et ses caractéristiques. Aucune image publique n’a filtré pendant le processus de recherche et création et les interprètes n’étaient pas nécessairement au courant de l’évolution du solo de leurs collègues. Le seul résultat public de cette phase a été, lors du dévoilement de la saison de La Rotonde (fin août), la présentation en studio du solo d’Esther en tant que work-in-progress présenté « sans artifice » (accessoires, décor, lumière), concentré uniquement sur la danse et le mouvement.
En janvier, pour conclure le processus, l’équipe a pu travailler ensemble sur la mise en commun du résultat des quatre interprètes et sur la mise en forme finale du spectacle. Cette phase a été effectuée lors de deux récentes résidences de création-production effectuées à Montréal (Centre de création O Vertigo) et à Québec (Maison pour la danse). C’est donc un spectacle « tout chaud » qui arrive sous vos yeux.
Tout comme la grande forme présentée l’an dernier, la présentation de Gratter la pénombre est faite dans un non-lieu fantastique et onirique, un huis-clos délimité de panneaux de bois mobiles et modulables. Quelques accessoires nouveaux sont aussi utilisés par les danseurs.
Le chorégraphe a choisi de ne pas présenter ses quatre interprètes dans une série de soli en les mettant chacun à tour de rôle sous le feu des projecteurs. Il utilise plutôt ceux qui ne sont pas « en vedette » comme ombres, compléments ou réponses à la danse principale. Un interprète peut avoir un impact sur un autre. Celui-ci peut être présent dans l’espace scénique comme aide à la mise en place ou à la manipulation des objets ou même comme élément de cocréation du personnage chimérique effectuant un solo. Car, du travail de création de chaque solo est émergé une créature fantasmagorique, puisant dans la corporéité de l’interprète mais aussi dans sa psyché, dans ses envies et dans son besoin d’extérioriser son propre grand cri dans le monde. Ces personnages fantasmés peuvent être formés de plusieurs parties de corps différents, d’où le besoin de « partenaires » pour un solo.
Même si le propos n’est pas présenté de façon littérale, ces danses se veulent un peu comme la continuité des aventures et périples des survivants du naufrage de la Méduse, présentés dans le spectacle précédent. Cette plongée, navigant dans plusieurs couches du conscient jusqu’à l’inconscient des danseurs, est présentée en consacrant plus de temps et de profondeur à chacune des danses solo.
L’une des questions de départ du chorégraphe pour l’an deux du processus chorégraphique était : « le bain doré de la finale du premier spectacle est-il le début de la présentation du deuxième? » et, en corollaire : « si le personnage est dans le bain depuis 6 mois, dans quel état de décomposition se retrouve-t-il? ». Les pistes du travail de recherche et de création contenaient les mots : persister, démanteler et transfigurer… avaler et régurgiter… trouver l’état glorieux, lumineux. Sous l’œil averti d’Alan Lake, chaque interprète a dû aller profondément en lui-même chercher comment résonnaient ces questionnements et trouver les gestes correspondants à ses réponses.
Le chorégraphe
Depuis qu’il a terminé ses études à L’École de danse de Québec en 2007, le chorégraphe, artiste visuel et réalisateur est en progression constante comme artiste incontournable de la danse actuelle au Québec. En tant qu’interprète, il a été vu dans les œuvres scéniques d’Harold Rhéaume et de Danièle Desnoyers. Il a participé au Grand Continental de Sylvain Émard et au vidéoclip Sprawl II (Mountains Beyond Mountains) d’Arcade Fire, chorégraphié par Dana Gingras. En tant que chorégraphe, il a collaboré avec différentes écoles de formation en danse et avec différents groupes ou collectifs.
Les films réalisés par Alan Lake, présentés autour ou à l’intérieur des différents spectacles de sa compagnie, ont aussi eu des vies autonomes de vidéodanse dont le film Ravage, gagnant du Prix de la meilleure réalisation au San Francisco Dance Film Festival 2016 et gagnant du Prix du jury au Festival Plein(s) écran(s) de Montréal. Le montage final du film Gratter la pénombre, tourné en 2018, vient d’être terminé.
La compagnie
Alan Lake Factori(e), compagnie pluridisciplinaire de danse contemporaine, a été fondée en 2007 et a produit les spectacles Là-bas, le lointain (2010), Ravages (2014), Les caveaux (2016) et Le cri des méduses (2018).
La compagnie a son siège social à Québec et fait partie des organismes résidents de la Maison pour la danse de Québec.
Les interprètes
Ses complices de création et collaborateurs de longue date:
Les collaborateurs
Musique : Antoine Berthiaume
Lumières : Bruno Matte
Répétition : Jessica Serli
Scénographie : Alan Lake, Véronique Bertrand
Direction de production : André Houle, Centre de Création O Vertigo – CCOV
Direction technique : Antoine Caron
Liens externes
Une bande-annonce (1:00) de Gratter la pénombre.
Une bande-annonce (0:34) et un reportage (6:00) sur Le cri des méduses.
Une entrevue du journal Le Soleil.
Les pages Facebook et Vimeo de la compagnie
Pour les œuvres précédentes de la compagnie, voir ici.
Deux articles sur le spectacle Le cri des méduses : par Mélanie Carpentier dans Le Devoir et par Josianne Desloges dans Le Soleil.
Photos : François Gamache, Chloé Delorme