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Chroniques du regard 2012-2013, no 3 : Le mentorat

Chroniques du regard 2012-2013, no 3 : Le mentorat

20 novembre 2012

Cette année encore, les jeunes chorégraphes présenté(e)s par La Rotonde dans le cadre d’Émergences chorégraphiques sont associé(e)s, dans leur processus de production, à une personne d’expérience : un mentor chorégraphique. Cette année, le rôle m’échoit. J’en suis ravi car, en plus du plaisir de travailler avec ces jeunes artistes, cela me donne un excellent sujet de chronique.

Le virage mentorat est de plus en plus présent, autant dans l’administration publique que privée, chez ceux qui ont le souci du développement de leurs ressources. Il est aussi mentionné et encouragé dans le Plan directeur de la danse professionnelle au Québec 2011-2021, publié par le Regroupement Québécois de la danse ainsi que dans le Plan de développement de la danse professionnelle à Québec, plan quinquennal publié par le Conseil de la culture des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Dans le but d’une compréhension commune, le rôle de mentor mérite d’être circonscrit. Nadeau et Labre(1), dans un court texte très éclairant, illustrent trois rôles très proches l’un de l’autre qui sont parfois confondus: coach, mentor ou tuteur. Selon ces auteurs, c’est à travers les questions posées par l’accompagnateur que le rôle se définit.

Pour le coach, la question pourrait être: «Comment puis-je vous être utile dans votre recherche de devenir meilleur?» Ici, le coach ne se pose pas comme étant un expert dans le contenu à développer, mais plutôt comme expert dans le processus de développement de la personne face à ses difficultés. L’accompagnement s’y retrouve structuré autour d’objectifs précis de développement ainsi que d’indicateur de résultats.

Pour le tuteur, la question pourrait être: «Comment pouvons-nous nous entraider?» Elle implique une relation d’entraide et une coopération spontanée. Ce type de relation se retrouve surtout entre des personnes de même niveau, qui pourront se faire progresser mutuellement.

Pour le mentor, la question pourrait être: «Comment puis-je vous aider à progresser?» Elle vise un transfert de connaissances et d’expériences pour permettre l’avancement, tant sur le plan personnel que professionnel de la personne accompagnée. Le mentorat implique le développement d’une relation de confiance mutuelle et un intérêt réel du mentor envers son protégé. Le mentor conseille et transmet ses savoirs. Il injecte dans la relation le meilleur de ses expertises, expériences et connaissances.

Dans le cadre du mentorat chorégraphique offert aux jeunes artistes par La Rotonde via Première Ovation, l’approche est transgénérationnelle et vise directement la préparation d’un spectacle. (Il faut noter que le mentorat s’applique aussi, parfois, dans un travail de recherche ne menant pas nécessairement à une production scénique.) Le développement professionnel et personnel de ces jeunes arrivants dans le milieu artistique professionnel de Québec est la principale visée du processus d’accompagnement.

En premier lieu, le travail du mentor chorégraphique consiste à accompagner les jeunes en studio, à les questionner pour qu’ils puissent d’abord bien saisir l’ampleur et les limites de leurs projets. Deuxièmement, il cherche à pousser leur réflexion pour qu’ils puissent arriver à mieux définir le propos spécifique de leur œuvre et concentrer leur point de vue. Ensuite, son travail consiste souvent à encourager les chorégraphes débutants à élaborer et pousser plus loin leurs idées de base. Il les aide à trouver les manières idéales de présenter sur scène l’incarnation de leurs idées et concepts. Enfin, et surtout, le travail du mentor consiste à offrir à tous les participants (chorégraphes, interprètes et collaborateurs) un miroir visant l’acquisition d’habitudes de travail fonctionnelles, efficaces et rentables.

Le thème commun pour beaucoup de mentors est qu’un mentorat productif ne commence pas par les réponses, mais plutôt par les questions justes.(2) Les commentaires et suggestions du mentor doivent faire fi de ses propres préférences esthétiques. Tout en dirigeant l’autre, le mentor doit se questionner lui-même et toujours garder en filigrane le respect de l’œuvre artistique en construction. Il n’est pas là pour imposer sa manière de faire, son style ou ses préférences. Et même si sa tâche comporte des éléments d’enseignant et de guide, la personne accompagnée n’a pas à être nécessairement d’accord avec les conclusions du mentor.

Il faut donc trouver les questions justes. Laisser émerger la «vérité» de la chorégraphie en construction. Parfois obliger le chorégraphe à se délester de certaines idées et l’amener à regarder froidement ce qu’il a devant les yeux, lui permettre d’en disséquer les éléments déjà présents pour y saisir l’essence du mouvement.

Des programmes de mentorat chorégraphiques existent un peu partout.(3) Ils sont offerts dans différents cadres et servent toujours le mêmes buts: croissance artistique, encouragement, stimulation de la communication d’une génération à la suivante. Le soutien aux jeunes artistes est idéalement offert avec conseils et support financier.

Les périodes de mentorat sont des occasions idéales pour courir des risques, pour apprendre et grandir. Elles sont le cadre idéal pour parler des nuances et des détails impliqués dans le développement d’une chorégraphie mais aussi dans l’apprentissage d’un métier. Les éléments abordés sont précieux et fragiles. Ils demandent un grand doigté mais leur examen est essentiel car la suite du travail, et peut-être même de la carrière, peut en dépendre.

 


(1) Coaching, mentorat, tutorat… Quelle est la différence?
Michel Nadeau, ACC et Danielle Labre CRHA. La presse, 11 décembre 2010

(2) What does it mean to have — and be — a choreographic mentor? Mary Ellen Hunt

(3) Différents programmes de mentorats:

NEW DANCE UK DANCERS’ MENTORING SCHEME

Alexandra Beller / Dance – Mentorship

The Cultch’s Ignite! Mentorship Program

The Dancer’s Mentor

 


Pour en savoir plus:

Le mentorat, la solution miracle?, article de Anaïs Chabot, publié dans La Presse, le 12 octobre 2010

Mentorat: à quoi s’attendre?, article deMartine Letarte, collaboration spéciale, publié dans La Presse, le 10 avril 2010

«Un « Donnez au suivant » professionnel», article d’Annie Drolet, publié dans La Presse, le 17 mai 2009

MENTORAT CULTUREL: INSCRIVEZ-VOUS AVANT LE 28 SEPTEMBRE 2012, paru sur le site du Conseil des arts de Montréal