Chroniques du regard 2012-2013, hors-série : Marquer la danse
HISTORIQUE
C’est à l’automne 2011 que le concours Marquer la danse a été lancé. Dans le cadre des Journées de la Culture, La Rotonde recevait alors un atelier de notation chorégraphique dirigé par Caroline Paré, instigatrice du projet et enseignante en danse au niveau secondaire. Cette première présentation accueillait une quarantaine de personnes. Elle se voulait une expérience participative où les idées, les mots et les dessins des personnes présentes pouvaient devenir mouvements et danses. Guidés par un animateur et des exemples, ils pouvaient demander aux danseurs d’exécuter des séquences de mouvements créées par eux, sur différentes ambiances musicales aussi choisies par eux. Après une exécution de la part des danseurs (Mélanie Therrien et Fabien Piché), les gens du public pouvaient ensuite intervenir à nouveau dans la partition. C’est cette expérience de transcription des idées, mots et dessins en mouvements dansés qui a ensuite été offerte par Caroline Paré aux élèves du secondaire (Collège de Champigny) dans son édition pilote de 2012.
La deuxième édition du concours (année scolaire 2012-2013), ouverte au niveau national, permet une nouvelle fois aux élèves du secondaire de s’initier à l’écriture chorégraphique, dans un but de démystification de la création en danse et de développement de l’aisance à en parler. En plus d’une bourse en argent, les participants peuvent encore une fois espérer remporter un prix des plus prestigieux: le gagnant participera à la réalisation et à la diffusion de sa danse dans un cadre professionnel. Entouré et supervisé par des artistes d’expérience, il pourra faire cheminer et approfondir son projet chorégraphique lors d’un stage de réécriture suivi de plusieurs heures de répétition avec des danseurs professionnels et, pour terminer le processus, la danse gagnante sera présentée en lever de rideau d’un spectacle de danse diffusé par La Rotonde lors de sa saison régulière.
JE TE LAISSERAI DES MOTS
Le projet gagnant de l’édition 2012-2013 est celui de Sarah Therrien, élève en 5e secondaire au Collège Champigny. Dans sa chorégraphie pour trois interprètes intitulée Je te laisserai des mots, la jeune femme jette un regard inquisiteur sur la vie adulte et les relations humaines. Dans une installation scénique utilisant différents accessoires symboliques qui passent du concret à l’intangible, elle présente des réactions différentes et souvent opposées aux mêmes stimuli qui sont présentés par un personnage agissant comme Deus ex machina, manipulant les objets et dirigeant l’action des personnages. La chorégraphie traite aussi du vide, des réactions possibles face au manque, surtout quand le temps commence à compter. La jeune chorégraphe semble poser les questions: «Quand tout disparaît, qu’est-ce qui reste? Et à quoi on se raccroche pour continuer?»
Le projet chorégraphique gagnant a suivi le même processus que tous les autres projets soumis. Lors de l’édition 2012-2013, le concours a reçu la participation d’élèves en provenance de trois écoles. Les élèves devaient présenter un projet pour une danse de 5 minutes, écrit et illustré avec leurs mots, leurs tracés et leurs dessins. Les professeurs pouvaient trouver les informations nécessaires à l’accompagnement dans une trousse et un cahier d’information.
Dans le cas du projet gagnant, c’est suite à un atelier donné par Mme Paré que Sarah Therrien s’est inscrite au concours. Dans cet atelier, il était demandé aux élèves d’imaginer une danse à l’écoute d’une musique, à la vue d’une toile, à l’observation ou au ressenti d’un mouvement, ou encore suite à l’invention d’un récit dansé. Tous les projets soumis ont été classés par un jury composé de professionnels de la danse œuvrant dans le milieu de Québec. Trois projets finalistes ont été retenus pour une fin de semaine de réécriture.
En janvier 2013, les trois finalistes du concours d’écriture chorégraphique se sont retrouvées pendant toute une fin de semaine au Grand studio de La Rotonde. Pendant la première journée, elles ont travaillé à tour de rôle sur différentes étapes du projet, parfois actives, parfois observatrices du travail d’une collègue. C’était le moment charnière où les élèves-chorégraphes partageaient verbalement leurs projets et faisaient s’incarner la danse par des danseurs professionnels, qui en devenaient alors muses et interprètes.
Accompagnées dans le processus de création par un chorégraphe et pédagogue d’expérience (Mario Veillette) et l’instigatrice du projet (l’enseignante Caroline Paré), elles ont su diriger les danseurs (Anne-Pier Dion, Isabelle Gagnon et Fabien Piché) dans la bonne humeur et un esprit de complicité. Elles y ont expérimenté, dans un temps restreint et un horaire serré, un processus de création fait de prises de décision et de choix parfois déchirants et sont reparties en fin d’après-midi en ayant, chacune, travaillé directement avec les danseurs environ une heure et 45 minutes.
Le dimanche matin, une rencontre avec le musicien compositeur accompagnateur (Steve Hamel) visait l’intégration de la musique dans le projet. Après avoir présenté les possibilités et suivant les demandes ou suggestions des chorégraphes, le musicien a créé des accompagnements pour chacun des trois projets. D’autres périodes d’essais et de réajustements (environ une heure par projet) ont ensuite été effectués avant la présentation.
En après-midi, les trois finalistes de Marquer la danse 2012-2013, Anne-Frédérique Marcoux, Gabrielle St-Hilaire et Sarah Therrien, ont enfin eu le plaisir de présenter leurs projets devant une salle remplie, mais aussi devant le jury qui avait déterminé les finalistes (et qui avait maintenant la tâche de déterminer le projet gagnant). Chaque chorégraphie durait environ 5 minutes. Chacune découlait de l’imaginaire de la chorégraphe et développait sa propre signature. Vu la qualité et la singularité de chacun des projets, le travail décisionnel des jurées fût très ardu. Après une délibération argumentée et passionnée, le jury composé d’Annie Gagnon, Sonia Montminy, Maud Rusk et Arielle Warnke Saint-Pierre a rendu son verdict.
Faisant suite à la fin de semaine de réécriture et à l’issue de 10 heures de répétitions supplémentaires avec les interprètes, le répétiteur et le musicien, la chorégraphie « Je te laisserai des mots » sera présentée en lever de rideau des matinées scolaires de Variations S, une œuvre de la chorégraphe montréalaise Hélène Blackburn, interprétée par la compagnie de renommée internationale, CAS PUBLIC.
Marquer la danse reçoit l’appui de Telus, de l’Entente MCCCF / Ville de Québec et est associé aux Journées de la Culture. En 2013, Marquer la danse recevait le prix Isabelle-Aubin au Gala national des prix Essor, offert par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. Ce prix est accordé annuellement à un projet qui se distingue par la place accordée à la fois aux arts et à la formation artistique tout au long de la réalisation du projet et est assorti d’une bourse de 2500$. Ce prix revient en 2013 à Caroline Paré du Collège de Champigny qui a initié le concours d’écriture chorégraphique, à La Rotonde qui a développé le projet en étroite collaboration avec Caroline et aux artistes de la danse de Québec qui se sont impliqués avec passion dans cette belle aventure.