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« Triptyque cryptique », Chroniques du regard No1 2017-2018 Llamaryon

« Triptyque cryptique », Chroniques du regard No1 2017-2018

27 septembre 2017

Chroniques du regard 2017-18  No 1 « Triptyque cryptique »

Chorégraphies de Lina Cruz : Le fils d’Adrien danse, Productions Fila 13 et collectif XYZ.

Par Mario Veillette

 

« Triptyque cryptique », premier spectacle de la saison de La Rotonde, réunit trois chorégraphies de Lina Cruz   et inaugure le Studio A, nouvelle salle de diffusion de la Maison pour la danse.  Présenté 8 fois, le spectacle d’un peu plus d’une heure rassemble trois univers différents habités tour à tour par un duo homme et femme (Harold Rhéaume et Lydia Wagerer), un duo de femmes (Geneviève Robitaille et Raphaëlle Fougère) et un duo d’hommes (Fabien Piché et Jean-François Duke). Trois univers sortis de l’imagination fertile de Lina Cruz, une chorégraphe d’expérience reconnue pour sa gestuelle particulière : physiquement exigeante, exubérante et ludique, mais minutieuse et finement ciselée. Trois univers portés sur scène via six interprètes faisant carrière dans la ville de Québec.

Photo Triptyque Cryptique - Crédit Maxime Daigle

Photo de : Maxime Daigle /Sur la photo : Aïcha Bastien N’Diaye, Geneviève Robitaille, Jean-François Duke, Fabien Piché, Lydia Wagerer, Harold Rhéaume, Lydia Wagerer

 

« Triptyque cryptique » c’est pour vous si vous avez un intérêt pour le travail de duo, avec toute sa palette possible de relations.

 « Triptyque cryptique » c’est pour vous si vous aimez la fantaisie et les univers surréalistes, les mises en scène intégrant danse, musique « live », paroles et chants, personnages théâtraux et jeux installatifs.

« Triptyque cryptique » c’est pour vous si vous voulez suivre l’évolution et la carrière des danseurs de Québec impliqués dans le projet. Ils sont multigénérationnels, allant des plus expérimentés aux jeunes diplômés.

 

La chorégraphe

Danseuse, chorégraphe et pédagogue d’origine colombienne installée à Montréal depuis 1989, Lina Cruz a créé sa compagnie multidisciplinaire Productions FILA 13  en 2003. Reconnue pour ses créations professionnelles atypiques, marginales et imaginatives, elle a obtenu de nombreux prix et reconnaissances. Au cours de la dernière saison, ses œuvres ont été présentées à Montréal, Toronto, Ottawa et à Brest (France) entre autres.

Lina Cruz-Photo by Alexandre Frenette

Photo de : Alexandre Frenette / Sur la photo: Lina Cruz

Ses chorégraphies tragi-comiques présentent souvent des univers surréalistes habités d’être fantasmagoriques extrêmement stylisés, humains avec une grande part d’animalité. Obnubilée par les détails, les accessoires et les sons, la chorégraphe cherche sans cesse un mouvement clair dans une tension dynamique. Elle travaille le plus souvent à partir de son propre corps, démontrant avec précision les gestes et intentions de mouvements que les danseurs reproduisent ensuite, par mimétisme. Lors des répétitions, ses indications et corrections détaillées permettent ensuite aux danseurs de trouver dans l’interprétation, une minutie du détail et une finesse d’exécution qui rapproche la danse d’un travail de dentelle. Plus le temps passe, plus le travail et ses détails se déposent dans les interprètes. Ils expérimentent ainsi le fait que l’importance, dans les chorégraphies de Cruz, est dans la gestuelle mais aussi dans l’état.

Créées pour la plupart en proche collaboration avec le musicien-compositeur Philippe Noireaut, les chorégraphies de Lina Cruz sont nombreuses et variées, dont Coquille d’œil (2004), K-5 (2008), Prix du Public au Festival de danse contemporaine de Guelph en 2009, Soupe du Jour (2010) récipiendaire de deux Prix Dora Mavor Moore en 2012 et Imaginarium, ne pas nourrir les animaux! (2015) qui incluait le duo En attendant la nuit blanche (Prix Dora Mavor Moore 2016) avec Fabien Piché, Jean-François Duke et le compositeur sur scène.

Le projet des trois duos créé pour La Rotonde est basé sur l’intérêt que porte la chorégraphe sur le temps et les impressions qui s’y rattachent : l’air du temps, le temps qui passe, le temps qui reste, le temps qui s’écoule et s’étire… Le temps qui laisse des traces, le temps qui permet aux choses de se déposer en couches dans le corps des interprètes…

 

Les interprètes

Le premier duo de la soirée est dansé par deux danseurs dans la quarantaine,  les vétérans Harold Rhéaume  et Lydia Wagerer , des interprètes d’expérience, des figures incontournables et des piliers de la danse contemporaine à Québec. D’un côté, Lydia Wagerer a une grande expérience du vocabulaire gestuel de Cruz, ayant dansé des œuvres de Fila 13 et ayant souvent supervisé les créations de la chorégraphe pour les étudiants du programme de formation professionnelle de l’École de danse de Québec. De l’autre côté, malgré sa grande expérience, Harold Rhéaume est tout nouveau dans l’univers de Lina Cruz. Sa position dans l’ensemble des interprètes du spectacle est intéressante de ce point de vue; il est le plus expérimenté en général mais le moins expérimenté dans la gestuelle spécifique de la chorégraphe.

Copie de Photo duo Harold et Lydia pour Triptyque Cryptique - Crédit Llamaryon_2426

Photo de :  Llamaryon / Sur la photo: Duo Harold  Rhéaume et Lydia Wagerer

Ce duo se veut une réflexion sur le temps qui passe et le défi des deux interprètes plus âgés, qui se confrontent aussi à un vocabulaire précis, vif et détaillé, est de profiter de ce que la maturité apporte aux danseurs d’expérience. Ils viseront peut-être un dépassement physique différent de celui de leurs jeunes collègues en misant sur une relation mature avec la danse et une présence scénique assumée. Un extrait de cette chorégraphie a été présenté sur « La petite scène » lors de la saison dernière.

Geneviève Robitaille et Raphaëlle Fougère sont deux diplômées récentes (2015 et 2017) de L’École de danse de Québec. Elles ont dansé des œuvres de Lina Cruz lors de leurs formations professionnelles au programme collégial de danse interprétation de l’EDQ et se retrouvent dans le duo Tempo al dente  qui explore la complicité féminine, sans restriction par rapport aux rôles joués. Sont-elles sœurs, amies, deux facettes de la même personnalité ? Une part d’insouciance porte leurs jeux, marqués par le temps qui s’écoule réellement sur scène mais de manière non réaliste.

Tout au long de la chorégraphie, elles doivent rester fortement ancrées au sol et très allumées, à l’écoute de la partenaire, de l’espace, de la musique, des sons, des paroles et des chansons. Le duo d’une vingtaine de minutes a été créé l’an dernier suite à une commande chorégraphique faite à Lina Cruz de la part de Geneviève Robitaille et Aïcha Bastien N’Diaye. Raphaëlle Fougère a été recrutée pour l’interpréter sur scène en compagnie de Robitaille, qui a aussi dansé professionnellement pour la compagnie Fila 13 le printemps dernier dans le solo Tic-tac party, en plus de remplacer Jean-François Duke lors d’une présentation du duo En attendant la nuit blanche.

Fabien Piché et Jean-François Duke sont deux danseurs connus des gens de Québec. Souvent vus sur scène depuis leurs entrées dans le monde professionnel (2009 et 2010), les deux sont très impliqués dans le milieu et on les voit parfois dans d’autres rôles qu’interprètes (direction artistique, chorégraphie et autres). Ils ont tous les deux dansé des œuvres de Lina Cruz lors de leurs études à L’École de danse de Québec avant de danser professionnellement pour différents projets de Fila 13, la compagnie montréalaise de la chorégraphe.

Inclus dans le spectacle de 2015 Imaginarium, ne pas nourrir les animaux!, le duo En attendant la nuit blanche est en fait un trio d’une trentaine de minutes dans lequel on retrouve aussi sur scène le compositeur-musicien-bruiteur Philippe Noireaut.  La chorégraphie, une commande chorégraphique de 2012, a été dansée par les deux comparses à plusieurs reprises, autant en version autonome qu’inclus dans un autre spectacle, mais est présentée à Québec pour la première fois.

On y retrouve deux personnages expérimentant divers états reliés au temps qui passe lorsque la nuit ne rencontre pas le sommeil. À l’écoute l’un de l’autre et aussi des bruits et effets sonores environnants, ils doivent tout donner. Ils seront tour à tour excités, déstabilisés, confus et complices dans leurs actions et leurs rêveries. Souvent au bord du précipice, ils plongent avec plaisir dans l’univers « légèrement dramatique » de Lina Cruz, nous emportant avec eux dans une douce mais vive folie.

 


Le spectacle Triptyque cryptique, composé des trois duos, est une excellente occasion de voir nos artistes locaux s’immerger dans l’imagination et le travail chorégraphique d’une chorégraphe mature à la signature singulière. Le voyage proposé à travers ces trois courtes chorégraphies permet aussi d’apprécier une évolution musicale et sonore travaillée en finesse pour soutenir et accompagner les danseurs interprètes.

 

Vous voulez en savoir plus, certaines critiques du plus récent spectacle de Lina Cruz Fila 13 présenté à Montréal en 2015 sont disponibles ici : Le Devoirdfdanse et Danceprofiler.