Alexandre Fecteau et Alan Lake, personnalités artistiques de l’année | Article | Le Soleil
Plusieurs personnalités ont laissé leur marque en 2018 dans le milieu artistique de la capitale. Le Soleil fait un retour sur le parcours de deux d’entre elles qui ont particulièrement retenu l’attention.
Alan Lake
Le chorégraphe Alan Lake s’est plongé pour la première fois cette année dans une «grande forme», avec Le cri des méduses, qui conviait neuf interprètes sur scène dans une odyssée sensible, qui se voulait une métaphore de l’humanité à la dérive.
Également cinéaste et artiste visuel, celui-ci crée chaque projet de sa compagnie, Alan Lake Factori(e), en commençant par un tournage, puis en présentant une œuvre scénique. Alors que le film Ravages parcourt les festivals depuis deux ans et a remporté cinq prix, tout indique que Le cri des méduses sera le premier spectacle de la compagnie de Québec à partir en tournée internationale.
Cet hiver, il présentera un nouveau spectacle, une petite forme cette fois, Gratter la pénombre, qui entremêlera les fantasmes, les cauchemars et les solos de quatre danseurs avec qui il travaille depuis des années (du 7 au 16 février à la Maison pour la danse).
Q Quel est ton plus beau souvenir de 2018?
R La création du Cri des méduses. Le désir de la grande forme, qui était là depuis longtemps, a pu se concrétiser avec ma compagnie parce qu’il y a eu un momentum d’éléments structurants. Nous avons pu établir un quartier général au Centre de création O Vertigo et j’ai vraiment pu me concentrer sur la création. Humainement, ça a été agréable et très riche en questionnements et en réponses artistiques. La réception m’a agréablement surpris, parce que tant le néophyte que l’œil aguerri trouve son compte dans cet amalgame de discipline, le théâtre d’images, la danse, les arts visuels.
Q Quel a été ton coup de cœur artistique ou culturel cette année?
R Que le chorégraphe Dimitris Papaioannou soit le premier artiste invité à honorer Pina Bausch avec une création, Since She, au sein de la compagnie qu’elle a fondée. Ça pose la question de la transmission en danse : certains veulent qu’on brûle tout derrière eux, d’autres, comme elle, souhaitent que ça continue après leur mort. Papaioannou est un artiste grec qui travaille avec la mythologie, le théâtre d’images et qui prend ses sources dans les toiles classiques. Même si ma manière de présenter les matières est plus brute, il y a une parenté entre nos pratiques. Je verrai son travail pour la première fois à l’Usine C en janvier, avec The Great Tamer. Je vais enfin voir si on parle de la même chose, au-delà des similarités esthétiques qu’on peut avoir. J’ai hâte de voir comment ce sera narré, quel sera le rythme.
Q Une déception en 2018?
R Le contexte environnemental et la réponse, ou plutôt l’absence de réponse, politique, me tue. On est à l’heure où les «petites mesurettes», comme disait Manon Massé de Québec solidaire, ne sont plus possibles. Il faut vraiment politiquement et socialement faire des choix très importants. Ma déception est qu’encore une fois, il y a une zone passive, complètement incompréhensible. On va vers notre autodestruction, on va cogner le mur, et je ne voudrais pas qu’on se rende là.
Q Que te réserve 2019?
R Nous avons eu une belle réponse à CINARS [une semaine intensive où les créateurs présentent leur travail aux diffuseurs internationaux] avec Le cri des méduses. Il y a une tournée qui se dessine au Québec pour l’automne, puis une tournée internationale dans plusieurs grandes villes d’Europe. Ça créera une grande effervescence au sein de la compagnie.
Q Que souhaites-tu à la région de Québec pour 2019?
R Je crois que les réels changements pour réduire les déchets, les gaz à effet de serre, etc. vont se faire dans les villes, par les actes individuels et les actes communs. Le maire Labeaume pourrait décider que Québec devient vraiment une ville verte. Je voudrais d’ailleurs qu’on trouve une autre expression que virage vert, qui commence à sonner un peu quétaine. Il faut vraiment que ça tourne! J’aimerais aussi qu’il y ait une continuité dans les programmes culturels, qui sont des piliers de développement. La Maison pour la danse, les mesures comme Première Ovation, le soutien aux compagnies, ça a permis d’éviter l’exode des danseurs et de créer quelque chose de beau et d’unique, ici. (JD)
Photo : Erick Labbé, Le Soleil