3 questions de Dena Davida à Brice Noeser – Ruminant Ruminant
Dena Davida, commissaire à Tangente a questionné Brice Noeser sur son spectacle Ruminant Ruminant, à l’occasion de sa présentation à Montréal du 11 au 14 décembre 2014.
(1) Dena Davida : Où se trouve la « danse » dans ce travail?
Brice Noeser : La danse est parfois en format miniature, parfois imaginée, parfois décrite et quelques fois incarnée en plus grand. Je me suis questionné sur ce qu’on définissait comme étant de la danse, à partir de quel moment le mouvement devient une danse. Pour ma part, j’aime la possibilité que la danse ne soit pas juste une forme poétique, sacrée ou athlétique mais qu’elle puisse aussi parler, chanter, faire rire et s’articuler autrement que par une « suite rythmée et harmonieuse de gestes et de pas » (extrait du Larousse). Une autre définition du Larousse parle d’une « exécution codifiée d’actes moteurs jouant un rôle dans la transmission d’informations permettant le déroulement d’une activité particulière. » Si on jouait au jeu de dire une définition pour deviner un mot, je crois que beaucoup de gens resteraient perplexes. Mais cette définition est intéressante parce qu’elle donne une liberté dans la représentation du mot « danse ».
(2) Dena Davida : Pourquoi cette obsession pour la complexité?
Brice Noeser : Je pense que j’aime penser. Pour me créer de la matière à penser, je me crée des problèmes et c’est souvent par la complexité qu’on échafaude des problèmes. La complexité amène aussi de l’effort et j’aime voir et vivre l’effort. Devant la complexité, on peut aussi se retrouver en situation de maladresse, de difficulté ou d’échec, des situations que je me plais à provoquer sur scène.
(3) Dena Davida : Parle-nous de l’idée de la langue, des langages, au cœur de ton esthétique.
Brice Noeser : Depuis mon très jeune âge, je cherche à créer mon langage. D’abord à travers l’écriture de récits, après par l’invention de langues et finalement lorsque j’ai appris la danse, c’est devenu un nouveau mode d’expression. Mon corps tout entier est devenu le terrain fertile pour chercher à articuler mon lexique. Récemment, j’ai réalisé que le travail sur le langage est mon obsession artistique depuis mon tout premier solo. J’aime parler et apprendre des langues, je suis passionné par la linguistique et je m’intéresse à la formulation du langage. Pour moi être artiste ça revient finalement à ce que je faisais plus jeune, c’est-à-dire inventer une langue pour dire les choses autrement, pour créer ou recréer mon propre mode d’expression à partir de ce qui me constitue culturellement. Étymologiquement le mot « culture » veut dire « ce qu’on habite ». Peut-être alors la danse serait ma culture et la chorégraphie serait ma langue.